J’avais passé la soirée avec Amy, une excellente soirée ouais, faut l’avouer. Entre nous, les choses étaient simples et on ne se prenait pas la tête. Dire qu’on s’est rencontré au Buy More dans le rayon DVD… Ça remonte à loin on dirait alors que non, juste quelques mois. Mais je ne regrette pas mon approche. Des soirées comme celle-ci, c’est régulier. D’ailleurs, le modèle est quasi identique : soirée DVD chez moi, une pizza ou un repas commandé chez un traiteur puis un sms ou un appel et là, tout est fichu. Ouais, fichu. Elle change totalement du tout au tout. Elle n’est plus la même. Je ne sais pas ce que disent ces fameux sms mais le résultat est qu’elle s’en va. Elle s’excuse à chaque fois et s’en va. La dernière fois, ça m’avait tellement énervé que je suis parti dans ma chambre sans lui dire au revoir.

Ce soir, après qu’Amy soit partie, j’avais remballé le DVD et j’avais rangé tout. La bouffe au frigo, les restes à la poubelle, et j’avais plus qu’à me caler devant un jeu vidéo dans un salon dispensé de toute lumière, sauf celle de la télévision. Les jeux vidéo étaient le seul remède pour me calmer suite à ses départs. Un jeu de combats de préférence, l’action était vraiment un défouloir qui correspond à mes critères dans ces moments là. Seulement, à fond dans ma partie, je n’avais pas entendu la première sonnerie de la porte. Ni la deuxième, ni la troisième. Enfin, je ne sais pas combien de sonneries j’ai loupé avant d’entendre celle que j’avais entendue quand j’ai mis pause. Il fallait que j’aille me désaltérer. Et donc à ce moment là, je me dirigeais vers ma porte d’entrée pour ouvrir et voir qui venait me déranger. « Tiens, une revenante. » Je laissais la porte ouverte pour la laisser entrer alors que je me dirigeais vers mon frigo pour prendre une bouteille d’eau.

Je suis proche d’Amy, enfin, je pense l’être tout du moins. Elle a cette façon de réagir quand elle doit partir que je ne suis pas sûr de la connaitre comme elle me connait. Vous savez, ce genre de relation à sens unique où une personne sait tout de l’autre mais que l’inverse est totalement impossible. Bien… Ma relation avec Amy doit se résumer à ça : elle doit savoir tout de moi et moi, ce que je sais d’elle ? Juste quelques petits trucs sans importance. Par exemple, je sais qu’elle adore les hot dogs, qu’elle ne mange jamais de pizza trop cuite et à pâte fine. Oui, elle préfère les pâtes moelleuses. Mais en plus de ses goûts culinaires, je ne sais rien d’elle et ça me bouffe. Je ne sais pas si je pourrai continuer ce genre de relation. Il est peut-être préférable de s’arrêter là et la faire sortir de ma vie, bien que ça serait très dur à surmonter. C’était sûrement à cause de toutes ces pensées que j’étais en train de perdre contre l’ordinateur. Quand j’étais dans cet état là, valait mieux pas que je joue en ligne, je risquerai d’insulter tous ceux avec qui je joue et c’est mieux de ne pas se les mettre à dos. Il y a des fois, lors de raids, ils sont bien utiles.

J’avais ouvert justement à une Amy qui se trouvait sur le pas de ma porte. Que faisait-elle là alors qu’elle m’avait quitté prématurément ? Aucune idée. Le truc, c’est que cette fois ci, je n’allais pas l’accueillir à bras ouverts. Je commençais à saturer de tout ça et je crois bien que c’était le soir où tout allait sortir. « J’avais … » J’étais revenu dans le salon où elle était et je la voyais fouiller dans son sac pour qu’elle en sorte mon portable. Qu’est ce qu’il foutait dans ses affaires ? « J’ai emporté ton portable et je voulais te le rendre. » Je l’attrapais alors qu’elle me le tendait et je me réinstallais sur le canapé, posant ma bouteille d’eau sur la petite table devant moi. « Et je voulais m’excuser. » « Ah oui ? C’est nouveau ça… Ah non, pas vraiment en fait, j’entends beaucoup ce mot en ce moment. » Et c’était totalement vrai. A chaque fois qu’on se voyait, ça finissait avec un « je suis désolé » ou un « je m’excuse ». C’en était banal à force. « Encore. » Je croisais enfin mes yeux avec les siens. Elle semblait sincère, et ce n’était pas la question. Ce qui m’énervait, c’était qu’elle était tout le temps obligée de partir. « Vraiment, je suis désolée. De t’infliger ça. Je ne devrais pas. Je suis une assez mauvaise amie ... » Je soufflais doucement avant de me lever et de me mettre face à elle. Il était temps pour moi de lui avouer ce que j’avais sur le cœur. « Oui, je ne vais pas te contredire là-dessus. Ce que je ne comprends pas, c’est… Pourquoi tu pars à chaque fois ? Tu pourrais juste dire que tu es occupée et que tu passeras après, je sais pas. Mais non, tu pars et c’est moi que tu laisses en plan. Qu’est ce qui est plus important que moi ? Qu’est ce que tu me dis pas Amy ? » Je la regardais, l’air quelque peu perdu. Je voulais des réponses oui, j’en avais marre d’être dans le flou.

J’étais sans aucun doute déçu de son comportement. Elle me menait en bateau à chaque fois. Elle revenait comme si de rien était le lendemain et je passais l’éponge parce que je l’adorais tout simplement. Je passais juste l’éponge. Faut croire que ce soir, ce n’est pas aussi simple. Elle est revenue quelques heures après être partie, deux je crois, j’ai perdu la notion du temps en jouant. Elle est revenue le soir même, et c’était une première. J’étais encore à cran et par conséquent, j’avais envie de lui dire ce que je ressentais en ce moment précis. Après qu’elle ait commencé à parler et à s’excuser comme je m’en doutais qu’elle ferait, je me mis à répondre. A lui dire vraiment comment je ressentais la situation. Enfin… C’était plutôt une succession d’interrogation. J’avais juste besoin de réponses. Je ne suis pas compliqué comme mec et je ne me prends pas la tête. Sauf que là, c’était limite si elle prenait l’entière possession de mon esprit, je pense le plus clair de mon temps à elle et ça en devient limite obsessif. « Je suis. » Elle est désolée, pourquoi ça ne m’étonne même pas ? Oui, elle est désolée mais ça ne change rien là, je ne peux pas passer l’éponge par un simple désolé. « Je ne sais pas comment faire ça. » Je la regardais, intrigué. Je ne savais pas si je devais la laisser continuer ou si je devais l’interrompre. Je choisis de l’interrompre. « Tu ne sais pas comment faire quoi ? » J’avoue, j’y ajoute de la mauvaise foi. Mais… elle est humaine non ? Elle sait utiliser les mots, donc c’est pas si compliqué. Je la regardais faire son petit manège avec ses cheveux et son corps, se détournant de moi. Mais très vite, la suite de ses pensées arrivait et je ne savais pas comment le prendre. « Je n’ai jamais eu de … D’amis avant toi. » Je ne savais pas si je devais rire ou la prendre au sérieux. Comment quelqu’un ne pouvait pas avoir d’amis ? Enfin… Je pouvais le concevoir mais pas une fille comme Amy, pas une fille qui est drôle, sexy et pleine de vie comme elle.

Elle s’était mise à bouger et au final, elle était derrière moi, derrière le canapé. « Je ne sais comment faire ou même si j’en suis capable. C’est nouveau pour moi, j’ai l’impression de tout faire de travers, que tu vas finir par … » Je me levais de là où j’étais installé, me retournant pour lui faire face alors qu’on avait le meuble entre nous deux. J’avais deviné la fin de sa phrase. C’était partir. Que je finirai par partir. Elle ne devait pas penser ça, oh non. Mais faut croire qu’elle ne connait pas la notion d’amis. Pour moi, les amis ne partent pas, c’est indéniable. Même si la situation me gonfle et que l’envie de l’exclure de ma vie peut me tenter, je savais pertinemment que je n’y arriverai pas. Elle est devenue trop importante pour moi maintenant. Je m’étais doucement calmé. « Amy… tout ce que je demande, c’est passer du temps avec toi, vraiment. Sans que tu t’éclipses pour une raison qui m’est inconnue. Je veux pas passer mon temps à me demander quand est-ce que tu recevras un message qui t’arrachera à moi. » Je soufflais, sans pour autant bouger, j’attrapais une de ses mains, je sentais son besoin d’être rassurée. « Tu peux me faire confiance, tout me dire. On se connait maintenant et tu sais que je suis pas du genre à poser un jugement. De l’honnêteté, c’est tout ce que je veux de ta part et… de cette façon, je ne partirai pas. » Elle me donnait ce que je voulais, je lui donnais ce que je voulais, c’était la meilleure façon pour que ça marche je pense.

La situation prenait une tournure inattendue, faut bien se l’avouer. Elle avait réussi à m’attendrir et à me calmer par la même occasion. C’était limite mission impossible vu à quel point j’étais énervé contre elle et son satané portable. Mais elle y était parvenue et c’était d’un grand mérite je trouve. Elle seule avait ce pouvoir sur moi. J’avais beau connaitre un tas de personnes depuis mon enfance, jamais je n’avais été aussi proche de quelqu’un comme je l’étais d’Amy. C’était assez compliqué à expliquer, les mots ne suffisaient pas à décrire ce qu’on pouvait partager. Tout ce qui est descriptible, c’est que je me sens bien et moi-même à ses côtés. Pas besoin de faux-semblant, de mensonges et autres. J’étais moi-même et ça faisait un grand bien. Seulement, ses actions pouvaient compromettre tout ça et, même si quelque part j’en ai envie, j’ai envie que tout cela cesse une bonne fois pour toute, une autre part souhaitait qu’une chose : qu’elle me confie tout ce qu’elle a sur le cœur et qu’on puisse reprendre tout comme si de rien était. Mais je le savais, Amy n’était pas du genre experte avec les mots. Enfin, elle pouvait l’être dans certaines circonstances mais je pense bien, depuis que je la connais, que les sentiments ou les ressentis n’étaient pas sa tasse de thé. Je ne cessais de la regarder pour avoir une réponse de sa part. Une simple réponse me convenait. Mais… elle n’osait pas me regarder et elle retira ses mains des miennes. Je sentais mon cœur doucement se resserrer. Et si… Et si ? « Je ne peux pas faire ça. » Elle ne peut pas faire ça quoi ? Me dire des choses, être honnête ? Elle ne peut pas ? « Il y a des choses, beaucoup de choses que je ne te dirais pas. » Je me serai bien installé dans le canapé puisque j’étais quelque peu abasourdi par ce que j’entendais. Je n’y croyais pas… « Mais ça ne veut pas dire que je ne te fais pas confiance. » J’ai eu comme un rire nerveux. Elle ne veut rien me dire mais elle a quand même confiance en moi. Je ne pense pas non. Elle me cache quelque chose de lourd, c’est certain maintenant mais elle refuse de me le partager.

« J’ai envie de passer du temps avec toi Wyatt. Ça ne se voit peut-être pas mais je suis réellement heureuse avec toi. » « Tu as raison, ça ne se voit pas. » Je pouvais paraitre froid mais en même temps, elle était en train de me dire que la situation ne changerait pas. Elle ne m’avouerait rien et je devais me contenter de ça. Seulement, je ne peux pas, c’est même impossible. J’ai besoin de plus venant d’elle. « Mais… » J’attendais le pire. Enfin… Le pire qui pouvait venir d’elle. « Mais ? » Elle se racla la bouche pour s’apprêter à continuer. « Je ne te rendrais pas heureux. Je ne rends pas les gens heureux. » Coup de poignard en plein dans le cœur, le coup de grâce comme on dit. Elle savait viser juste pour blesser les gens, c’était certain. Et je ne sais même pas si je m’en remettrai. Sûrement, avec le temps, mais ça risque d’être long vu à quel point je tenais à elle. Elle s’était approchée de moi, contournant le canapé pour être juste à quelques centimètres de moi. « Au revoir. » Elle l’avait dit, le mot qui faisait qu’elle quitterait ma vie. Seulement, je n’étais pas prêt, pas du tout. Et… Je ne sais pas ce qui me prenait, je n’arrivais plus à réfléchir. Que devais-je dire ? « Au revoir, bonne vie et à la bonne heure ! » ? Non… Tout ce que j’ai réussi à dire, c’était un « Reste. » presque inaudible mais qu’elle avait entendu. Presque aussitôt, j’avais franchi le pas qui nous séparait, la regardant dans les yeux, sans flancher. C’était quitte ou double, soit je le faisais, soit je ne le faisais pas. Et je savais que si elle s’en irait sans que je n’aies fait quoique ce soit pour la retenir, je m’en voudrais. Donc je l’ai fait, tout simplement. J’ai pris ses mains à nouveau dans les miennes et j’ai posé mes lèvres sur les siennes, comme un geste naturel entre nous.

Il était évident que la relation que j’entretenais avec Amy allait évoluer à un certain moment. Comment, je n’en avais aucune idée. Je préférais largement vivre le moment présent plutôt que de me poser des questions qui n’avaient que pour conséquence de me pourrir l’existence. En effet, j’étais le genre de gars qui aimait profiter de la vie en toute insouciance. Ok, depuis que j’avais rencontré cette grande et jolie blonde, je m’étais surpris plusieurs fois à me poser des questions quand à l’avenir de ce qu’on partageait. Etait-ce uniquement de l’amitié ou y avait-il plus entre nous ? Bien sûr, on ne peut pas le savoir avant d’être arrivé au moment où on le savait. Et ce soir… Bien que j’en avais vraiment marre à un point inimaginable de ces fichus sms qui l’enlevaient de moi, j’avais compris que je voulais plus qu’une simple amitié. Je voulais passer avant ces messages qui lui étaient envoyé. Je voulais… être le centre de ses esprits, qu’elle pense à moi avant tout le reste. C’était beaucoup demandé, je sais. Seulement…. C’était ce que je voulais. Elle, et tout ce qui allait avec, mais cependant sans les messages. Pour cette raison, je lui avais demandé de rester, de ne pas s’en aller. Je m’étais même approché d’elle, limitant notre séparation de quelques malheureux centimètres. J’ai vu discrètement qu’elle avait essuyé ses mains et puis je m’étais lancé. Mes lèvres contre les siennes et on échangeait un baiser, un premier baiser.

Je me sentais tout chose, carrément. Nos mains entrelacées, nos lèvres scellées, il se passait visiblement quelque chose. Elle appréciait, j’en étais particulièrement certains, surtout quand elle lâcha une de mes mains pour la poser dans ma nuque, caressant mes cheveux et se collant à moi pour rendre le baiser encore plus vivant. Le temps que ça a duré ? Aucune idée. Je n’avais plus aucune notion de rien du tout. Je me laissais tout simplement emporter par le moment qu’on était en train de partager tous les deux. Elle et moi. Amy et Wyatt. Seulement, faut croire que tout a une fin puisqu’au bout d’un moment, elle lâchait tout et recula de deux pas, portant sa main à ses lèvres. Pensait-elle que c’était une bêtise ? Je savais intimement que c’en n’était pas une. Je restais là, à attendre qu’elle réagisse à ce qui venait de se passer. Quelque part, j’espérais que ça allait être une bonne chose, qu’elle… je ne sais pas, qu’elle laisserait tout tomber pour moi. Mais je savais que ça n’allait pas être ce que j’entendrai. « Wyatt… » Je sentais mon cœur battre plus fort à l’entente de mon prénom sortant de sa bouche. « Qu’est ce que … Qu’est ce que c’était ? Qu’est ce que ça veut dire ? » A vrai dire, je restais silencieux, je ne savais pas quoi dire. En même temps, que dire suite à un baiser comme celui là ? Tout ce que je voulais, c’était recommencer encore et encore jusqu’à en perdre haleine. « Je veux dire, ça ne change rien. » Je la regardais, presque intrigué. Je savais de quoi elle parlait mais je ne voulais pas y croire. Ça changeait tout justement. « Les messages n’en disparaitront pas pour autant. » Je soufflais, elle venait juste de me descendre de quelques étages dans ma presque-euphorie du moment. « Et pourquoi ? Qu’est ce qui peut être plus important que ce qu’on vient d’échanger ? Rien ne peut être plus important que ça Amy. RIEN. » Enfin, je voulais que rien ne le soit. Parce que pour moi… je venais de vivre un des moments les plus intenses de ma vie et je ne voulais pas que quelque chose soit au dessus de ça. Je la voyais malgré tout s’avancer vers moi en se mordillant la lèvre inférieure. Damn... qu’est ce qu’elle était magnifique quand même. « Tu serais plus heureux sans moi. » Je la regardais dans le blanc des yeux. « Tu n’en sais rien. » Je portais une main à sa joue, la caressant doucement. « Je reste persuadé que je peux être l’homme le plus heureux du monde à tes côtés, et toi la femme la plus heureuse à mes côtés. » Je ne tentais pas un deuxième baiser, si elle le souhaitait vraiment, c’était à elle de le faire. « Tu peux me faire confiance Amy… Je ne partirai pas, je garderai bouche cousue si c’est ce qu’il faut pour que tu te confies à moi. Ces messages valent vraiment le coup de… de ruiner tout ce qu’on a construit tous les deux en ces quelques mois ? » C’était ça la réelle question au final.