C’était comme un vide. Oui, c’était comme si son cœur avait été remplacé par un énorme trou béant et qu’elle était désormais vide. Le chagrin avait rongé chaque parcelle de ses organes, aspiré chaque goutte de son sang. C’eut été mortel si elle pouvait en réalité sentir quelque chose. Mais ce n’était pas le cas, elle était comme anesthésiée à la vie. Plus rien n’arrivait à la toucher. Elle voyait les gens s’activer autour d’elle mais n’y prêtait pas attention. Des lèvres bougeaient mais aucun son n’en sortait. Plus rien ne l’atteignait, elle était hermétique à tout. Elle ne pensait plus à rien. Elle était simplement là, sans se souvenir comment elle était arrivée. Elle baissa les yeux et se rendit compte qu’elle était habillée, c’eut été un soulagement en temps normal mais pas ici. Sa robe était noire, elle n’aimait pas le noir, n’en portait jamais. C’était une mauvaise couleur, elle n’avait pas elle-même choisit cette robe, c’était impossible. Son épaule remua, doucement d’abord puis avec un peu plus de vigueur. Tournant la tête et suivant cette main qui la secouait, Rosa sa belle mère entra dans son champ de vision. Elle voyait ses lèvres remuer, une larme était en train de couler le long de sa joue. Cela semblait important, ce qu’elle était en train de dire puisqu’elle la regardait comme elle ne l’avait encore jamais fait. Comme si … Elle était dingue. C’était peut-être le cas, peut-être qu’elle était folle, ou peut-être qu’elle était partie, qu’elle flottait simplement autour de son corps et observait la scène d’un point de vue extérieur. Non, ce n’était pas possible, elle pouvait sentir ses membres, ses muscles, savait qu’elle pouvait bouger. Mais inconsciemment surement, elle savait que bouger signifiait partir. Quitter ce monde de paix et de tranquillité, ou plus rien ne l’atteignait. C’était calme, paisible, presque agréable, si elle pouvait ressentir un quelconque sentiment. Elle ne le pensait pas cependant, ne pensait pas que quelque chose pouvait l’atteindre, elle avait tord. La larme de sa belle-mère semblait seulement être une éclaireuse puisque plusieurs suivirent à sa suite. Elle paraissait dévastée, presque au fond du gouffre, semblait réclamer de l’aide, un appui. Elle avait besoin d’elle. Elle était la seule qui pouvait l’aider, la seule à comprendre. Mais elle, pouvait-elle comprendre ? Pouvait-elle saisir la force que cela demandait de revenir à la réalité, de tout affronter, de vivre ? Non, elle ne savait pas, et sans doute ne saurait jamais ce qu’elle sacrifia pour elle. Au moment où elle décida d’elle-même de prendre Rosa dans ses bras, sa léthargie la quitta. Son paradis fait de paix et de néant s’envola et toute la peine, l’horreur et la solitude qu’elle ressentait l’envahirent en même temps. Elle ne savait vraiment depuis combien de temps elle était comme cela, mais comprenait pourquoi désormais. La douleur était si intense qu’elle eut du mal à respirer, s’accrocha comme elle pu à sa belle-mère. Des sanglots se firent entendre, les siens et elle n’arrivait pas à les contenir. Et c’est ainsi, agrippée au seul semblant de famille qui lui restait, pleurant toutes les larmes de son corps qu’elle assista à l’enterrement de son père, et devint officiellement orpheline.

Amy claqua la porte de son appartement et laissa son sac tomber sur le sol dans l’entrée. S’avançant plus en avant, elle déboucha dans le salon pour trouver Cloé assise au bar, un verre à la main, des larmes plein les yeux. Sans bien savoir pourquoi cela lui serra le cœur et elle en oublia l’irritation qu’elle avait ressentie en s’avisant de son message. Cela faisait déjà deux mois qu’elle cohabitait avec Cloé et sa détresse était si évidente que c’en était navrant. Toute personne dotée d’un minimum de cœur l’aurait trouvé touchante. Si la blonde n’oubliait pas qu’elle pouvait tout à fait être une terroriste d’un nouveau genre, il n’en restait pas moins qu’elle était bouleversée et que cela faisait peine à voir. Retirant sa veste qu’elle posa sur le canapé, elle s’approcha du bar et s’assit sur le tabouret prêt de celui de la brune. « Cloé ? » Comme elle ne semblait pas l’avoir vu, Amy préféra se faire entendre et comprit qu’effectivement, elle devait l’avoir joué furtif au bond que fit la jeune femme. « Excuse moi, je ne voulais pas te faire peur. » Elle déposa une main légère sur son épaule et la pressa doucement. « Qu’est ce qu’il se passe ? » Cela paraissait urgent. Mais avec elle tout l’était. Sortir lui était difficile, rester à l’intérieur lui filait des cauchemars. Elle pleurait les trois quarts du temps et vidait toutes les réserves de sucreries. C’était la première fois qu’elle avait une colocataire, pour les biens d’une mission ou non mais si cela ressemblait à ce qu’elle vivait avec Cloé, jamais plus elle ne voulait vivre ça à nouveau. La brune étouffa un sanglot et Amy se leva pour la prendre dans ses bras. Sa tête appuyée contre sa poitrine, elle berça Cloé jusqu’à ce que la jeune femme se calme et que ses pleurs se tarissent. « Là, ça va maintenant, je suis là. » Sans l’ombre d’un doute, c’était la mission la plus compliquée qu’on ne lui ai jamais donné. Pas parce qu’elle risquait sa vie tous les jours ou que les chances de s’en sortir vivantes étaient infimes mais parce qu’elle était émotionnellement éreintantes. Et sortait de tout contexte connu. Andie n’avait jamais eu beaucoup d’ami et son père n’avait jamais été tactile ou réconfortant d’aucune sorte. Et pourtant elle se retrouvait à jouer une sœur, une meilleure amie, un roc qu’elle n’avait jamais eu ou qu’elle n’avait jamais été pour personne. Il lui arrivait de penser qu’elle n’était pas taillée pour ce genre de mission mais en voyant Cloé esquissait un sourire, elle comprenait qu’elle s’était faite à cette dynamique. Qu’elle prenait un certain réconfort à offrir un moment de calme et de paix à quelqu’un. « Désolée. » Amy fit claquer sa langue pour lui signifier que c’était inutile et déposa un baiser sur le front de la brune avant de se rasseoir. « Tu veux regarder Grey’s Anatomy ? » Pour une raison qu’elle n’arrivait pas à déterminer, regarder les séries télévisées arrivait à dérider Cloé et à la faire se sentir mieux. Rien qu’à la perspective de se mettre devant la télé, elle sourit. Amy leva les yeux au ciel en l’attrapant par la main pour la faire se lever. Elles étaient reparties pour un marathon de docteurs Mamour et compagnie.