BECAUSE WE NEVER FORGET WHO WE REALLY ARE

Assise au bar, je prenais mon demi litre de bière sans vraiment réfléchir. Tout espion à l’étranger aime ses habitudes alimentaires ; moi y compris. Je n’étais pas forcément fana des irlandais, mais aussi loin de mon pays, je m’y sentais tout aussi chez moi. Je ressentais ce rejet d’overdose américaine ; tout voir en gros dans l’abus d’envie de richesse me dégoûtait tout simplement. Cette surconsommation me faisait fuir, mon instinct me l’ordonnait ; mais ma raison m’obligeait à rester. Je ne m’y sentais pas bien, mais mon travail me demandait d’accepter et d’agir comme une américaine, mon mal du pays ne les importait peu. A vrai dire, être au Moyen Orient m’aurait plus attiré qu’aller faire une mission dans un sol hostile. Qui peut vivre assez longtemps en s’opposant à tous les principes qu’ils ont acquis ? J’essayais, c’était dur, et ce bar m’aidait à oublier. Cela me permettait de me rappeler qui j’étais, ne jamais oublier la raison qui m’a poussé à risquer ma vie tous les jours, qui m’a envoyé là où je suis, ce qui m’a permis d’apprendre à tuer. On dit que savoir tuer nous permet de savoir protéger. Alors je protégeais contre mon gré le peuple anglais, voire même l’Europe car en ce moment tout devenait pro-nationalistes américains, et l’entre-aide entre les pays européens, particulièrement occidentaux, ne faisaient qu’augmenter surtout chez les espions.

Dans le bar, il y avait quelques authentiques irlandais ; mais ils avaient tous perdu cet accent incompréhensible, ou bien c’était des prétendus irlandais, apparemment sur le sol américain se faire passer pour un irlandais amène à être côtoyé plus facilement ; qu’ils viennent en Angleterre ces cocos. Ce qui me tuait le plus, c’était de faire attention à respecter l’accent américain ; qui n’était que de la torture pour la langue anglaise ; cet accent Californien était un des pires, ils ne pouvaient s’empêcher d’accentuer les mots, et de faire de la salade d’anglais. La seule chose de vrai, dans ce bar, en plus du décor totalement copié sur les années 80 du Royaume-Uni ; c’était la bière. Ce qu’elle était bonne ; j’étais tellement en manque que je pensais pouvoir sentir l’herbe verte des landes anglaises. Tout d’un coup, un homme m’intrigua. Il était seul depuis des heures, probablement bourré à n’en plus pouvoir. Que voulez-vous, l’habitude des mères alcooliques crée des réflexes qu’on ne peut oublier. L’homme en question parlait dans un anglais quasiment plus compréhensible, j’entendais des phrases sur son père, sa famille, New-York. Je voulais en savoir plus, d’instinct j’allais en sa direction avec ma bière. « Tout va bien ? »

J'avais passé une mauvaise journée, une très mauvaise journée. Buy-more m'avait donné un mal de crâne pas possible à imaginer. En effet, les client se révélaient plus chiant et lourds les jours passant. Déjà quelques années que je travaillais dans ce magasin, généralement, j'étais souriant et aimer vendre les articles aux clients. Mais, aujourd'hui, je m'étais levé vraiment du mauvais pied. Un homme m'avait demandé une sorte de nouvelle machine à laver. Quand je revenais avec le devis, il avait changer d'avis et souhaitait un nouveau modèle, tout cela pendant presque une heure, et je peux vous dire que ça m'avait fatigué. Je n'avais pas eu une minute à moi pour me reposer. Heureusement, j'avais fini le travail a dix-huit heures et j'étais rentré chez moi en courant, presque.

Vingt-et une heure, je décidais d'aller boire un petit coup. Seul, et ouais, j'ai pas d'amis moi. J'avais surtout besoin de décompresser, et le pub de downtown était le meilleur coin pour cela. Assis à une petite table, je buvais bière sur bière. Je n'étais pas un alcoolique, et je tenais pas du tout l'alcool, malheureusement. Ce fut d'ailleurs au bout de la sixième bière que je commençais à être saoul. Je criais un peu dans le bar, parlant de mon enfance et de ma vie dans le Bronx. Je criais même que mon père était un enfoiré de première jusqu'à ce que une jeune femme se dirige vers moi, me demandant si j'allais bien. « Depuuuuuuuuuuuuuuis que t'es là, tout vaaaaaaaaaaa bien ! », répondais-je, à la manière d'un homme complètement saoul. « Booooooooon, on va chez toi ou chez moi ? », lui demandais-je, j'étais réellement perdu comme mec.

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« Depuis que t’es là, tout vaaaaaaaaaaa bien ! » disait-il. Il semblait tellement perdu, égaré ; probablement pour une mauvaise raison, une de ces envies qui vous obligent à s’auto-détruire contre son gré. Le bar se taisait quelques minutes, observant ce phénomène, il ne semblait pas à sa place ; c’était écrit sur son visage, il était loin d’être un charmant habitué de pub irlandais. Il n’en avait simplement pas le type. Je n’aimais pas voir ce genre de décadence venant d’un simple citoyen ; ça m’effrayait, de voir ceux qu’on protège se détruire. On essaye de régler les problèmes les plus importants ; et les civils parviennent à se trouver de nouveaux ennuis, même parfois pires. Ou parfois c’en est tellement insignifiant, que ça en fait peur. Même si j’aimais pas ce pays, et même bien que j’étais capable de tuer avec un sang-froid impardonnable, voir quelqu’un dans cet état me brisait le coeur. Je ne pouvais m’empêcher de revoir ma mère ivre-morte sur notre canapé miteux dans notre maison miteuse ; où jamais le jardinage n’avait été fait. Sauf quand il s’agissait d’un tueur à gage ou autre, dans ces cas-là, j’avouais me réjouir à sa déception. « Boooooon, on va chez toi ou chez moi ? » me criait-il aux oreilles ; d’une manière arrogante si typique des alcooliques. Face à eux, on a toujours qu’une envie qui nous vient ; c’est de les étrangler, de leur faire mordre la poussière pour ce qu’ils disent ; ce qu’ils pensent. Puis, avec le temps, on s’habitue ; on apprend à rester d’un calme glacial et de reprendre le contrôle. Je l’observais d’un oeil agressif, comme on ordonne à un chien d’arrêter d’aboyer. « On va rester ici encore un petit peu, veux-tu ? » tout d’un coup, ma voix était semblable à une voix apaisante d’une maman ; celle sur laquelle on donne sa confiance parfois trop rapidement. Je fis signe au barman d’amener un café, tout en gardant ma bière ; contrairement à lui, j’arrivais à tenir l’alcool. Particulièrement la bière ; c’était la tequila qui m’était fatale une fois dépassé les dix shots. Tout d’un coup, il commença à parler, sans s’arrêter. Je restais fixée là, à écouter.

Je m'affichais dans ce pub irlandais, j'en avais bien conscience. Et, de plus, j'étais un afro-américain, les habitués de ce bar ne devaient jamais en avoir vu souvent dans leur vie pour me fixer comme cela... ou peut-être qu'ils se moquaient de moi, car j'étais complètement bourré. Je ne tenais pas l'alcool, et le pire, c'était le rhum, cette boisson alcoolisée venant de mon pays que je n'arrivais même pas à tenir au bout du troisième verre, mais peu importe. Une jeune femme s'était approchée de moi, et je l'avais demandé si elle préférait aller chez moi ou chez elle - qu'est ce que je pouvais débiter comme conneries tout de même - . Elle me regardait mal, mais j'étais bien trop bourré pour pouvoir en dire quelque chose. Cette femme me répondit qu'on allait rester dans le bar encore un petit peu de temps, et elle commanda un café. « Ramèèèèèèène moi c'truc dégueulasse. C'est bon, en fait ! », criai-je afin que le barmaid puisse m'entendre. Non, je ne voulais pas de café, oui, je voulais encore plus me bourrer la gueule.

« Et me regarde pas comme ça ! Moi, j'viens du BROOOOOOOOOOONX ! Et ouais, j'suis une grosse racaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaille ! J'finirai comme mon père. Un abruti, idiot et mort ! En parlant de cet enfoiré là, celui qui a envoyé ma mère en dépression ! Il nous a fait croire qu'il était un homme travaillant dur pour nous, mais en fait et bah c'était qu'un pauvre con de dealeur de stupéfiants ! Il nous a bien, si je pouvais, je le ferais soooooooooooortir de sa tombe ! », avais-je déballé en me levant de ma chaise et marchant un peu avant de tomber à la ramasse. Et qu'est ce que je faisais comme un imbécile ? J'étais allongé au sol, bougeant comme un idiot pour me relever, mais je n'y arrivais pas, je n'avais même pas la force de me lever. Je pouvais moi-même le dire : je faisais tellement pitié et je savais que le lendemain, j'aurais honte... enfin seulement si je m'en rappelais, ce qui était parfaitement peu probable.